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Panamarenko et la mythologie de la science

Ce titre est emprunté à un texte du Professeur Charles Hirsch, physicien spécialisé dans la mécanique des fluides, ami de Panamarenko et amateur de ses oeuvres, paru dans le catalogue de l'exposition consacrée à Panamarenko en 1978 (Berlin et Otterlo). Il porte le regard intéressant d'un scientifique sur le travail particulier d'un artiste comme Panamarenko qui mêle science et art comme s'il s'agissait du même domaine. Charles Hirsch y explique que la recherche scientifique s'apparente à la créativité artistique et qu'elle contient une certaine poésie. Panamarenko ignore la séparation entre recherche scientifique et poésie de l'art. La spécialisation des savoirs de notre société accroît sans cesse cette dichotomie Art/Science.

Les oeuvres de Panamarenko semblent à première vue faciles d'accès, mais lorsqu'on y regarde de plus près, les choses se compliquent. A la première lecture on y trouve la poésie, l'esthétique et le rêve. Lorsqu'on se plonge dans une lecture plus approfondie, toute la complexité du contenu à la fois scientifique et accompagné d'explications techniques se révèle. Mais si ces explications ont l'air complexes, elles sont simplifiées, voire transformées par rapport à la vraie science. Il s'agit avant tout que les oeuvres contiennent un moteur et que ce discours qui rende l'oeuvre plus plausible, plus vraie et nous entraîne encore plus loin dans le rêve.

 

A. De la ressemblance avec le Pop Art et de son éloignement par la science.

Les premières oeuvres exposées de Panamarenko sont proches du Pop Art. Il s'agissait de mettre en évidence des choses empruntés à la culture populaire : les crocodiles du Zoo d'Anvers ou encore Feltra ou Molly Peters, deux pin up sorties tout droit des films de James Bond. Déjà la poésie était présente, rien d'agressif ou de publicitaire. Rétrospectivement on a nommé ces objets " poétiques " pour les séparer des constructions à venir teintée de technique.

Das Flugzeug , avion fragile dont la ligne a vraisemblablement été inspirée par l'hélicoptère de Jacques Cornu, un pionnier de l'aviation, un engin qui n'a sans doute jamais pu quitter la terre ferme. Cet avion marque un tournant dans l'oeuvre de Panamarenko. Il est pionnier, dans le développement de l'ensemble de l'oeuvre de Panamarenko, par la légèreté de son contenu scientifique. Il s'est fixé comme but de " réaliser l'engin spatial total " . Il est important de noter que Das Flugzeug a été réalisé peu avant Feltra et hors des mêmes blocs de polystyrène.
 
 

B. Le rôle de Beuys
Beuys sera proche de Panamarenko et sera le vrai déclic, ils veulent tout deux comprendre le monde qui nous entoure. Le " souci (de Panamarenko ) est d'arriver à un entendement véridique des phénomènes qu'il constate de manière empirique ou qu'il estime possibles intuitivement. Et alors il s'agit de globalité, d'unité, de synthèse, aussi diversifiée que la vie, par-dessus tout pleine d'une unité intérieure. " Beuys eut un rôle très précis dans le développement de l'oeuvre de Panamarenko. Il fut le premier à exposer Das Flugzeug en 1968 à l'Académie des Beaux Arts de Düsseldorf et à ouvrir la voie à l'oeuvre future de Panamarenko.

" Ce qui s'avéra très important pour Panamarenko, ce fut le " Erweiter Kunstbegriff " de Beuys, un concept universel : l'art doit être plus qu'une simple discipline artistique, et doit rejoindre la vie quotidienne avec la politique, la science et la technique. Par cette nouvelle union, ses appareils cessaient d'être considérés comme d'étranges objets Pop. "

" Sans Titre : Beuys disait " chaque homme est un artiste ", on a l'impression que vous pourriez dire " chaque homme est un scientifique et peut comprendre la science "...

P : Beuys voulait agrandir la notion d'art, c'était facile pour quelqu'un qui s'intéressait à beaucoup de choses, comme les sciences et les techniques ; il pouvait le faire avec un tel amour. Mais Beuys était contre la science. (..) Quand j'étais bouleversé dans mes inventions, je le disais à Beuys, et lui me répondait : " vous avez tout à fait raison parce que ce n'est pas comme les scientifiques le disent, c'est encore autre chose ". Ca ne donnait pas beaucoup de résultat. Je ne pouvais jamais bavarder sur des aspects techniques, scientifiques avec lui. 20-25 ans plus tard, il m'a, dans le cadre de son projet politique, reconnu comme un ingénieur naïf. "
 
 

I. Sur les dessins et les mathématiques , les étapes de conception.
Joseph Beuys présentait des dessins autour du projet Das Kapital Raum de 1974 qui " peuvent être considérés soit comme des études, soit comme des oeuvres indépendantes. En tant qu'études, ils explorent les diverses manières de disposer les éléments ; en tant qu'oeuvres indépendantes, ils représentent la libre transposition de l'espace dans un univers à deux dimensions. Beuys considérait ces dessins autant comme un moyen de clarifier sa pensée et ses souvenirs, que comme de travaux à part entière. "

Les dessins jouent un rôle très similaire et très important dans l'oeuvre de Panamarenko. Les dessins préparatoires sont des travaux essentiels au déroulement de la conception. Ils permettent de préciser la pensée mathématique et les intentions de Panamarenko. Les mathématiques, comme le dessin, servent à comprendre de quoi il s'agit.
 
 

A. Sur le mécanisme de la gravité 
La théorie des Systèmes clos date de 1968 : " Hypothèse : l'impulsion qui mettait un corps tournant en mouvement, était divisée en deux forces de réaction. La 1ère se chargeait du mouvement en avant alors que la deuxième maintenait le corps en rotation. Etant donné que la deuxième force n'était pas indispensable pour perpétuer le mouvement en avant, Panamarenko pensait que, accélérée, cette force pourrait être utilisée pour la propulsion d'un vaisseau spatial. " Ce vaisseau sera le General Spinaxis.

Un grand nombre des théories scientifiques de Panamarenko utilisées pour concevoir ses oeuvres d'art ont fait l'objet d'un livre dont il est l'auteur, appelé " Petite Livre Bleu ", publié en Allemagne en 1975, et accompagné de croquis explicatifs annotés très précisément.

Les dessins servent avant tout à voir si les projets se révèlent réalisables concrètement. Si la technique peut rejoindre une enveloppe adéquate et propice au rêve. Ils constituent une étape de la recherche de Panamarenko.
 
 

B. Deux dessins pour les sacs à dos
 
 

" Sans Titre : Le dessin n'est pas indépendant de vos calculs, c'est un peu, semble-t-il, comme penser tout haut ?

Panamarenko : Ah, oui, je commence toujours par calculer mais à un certain moment, je ne comprends plus, et je commence à dessiner. "

"Clayssen : Quel rôle jouent les dessins dans votre travail ?

Panamarenko : Ils stimulent l'imagination, parce que d'un côté, il y a le mécanisme de l'avion et de l'autre côté, la forme ; et, quand on obtient une forme satisfaisante qui est encore en relation avec le mécanisme, il est intéressant de le réaliser. "
 
 

Les dessins préparatoires se vendent comme les oeuvres et le plus souvent les annotations sont difficilement déchiffrables. Les croquis qui les accompagnent montrent que la recherche de l'aspect des sacs à dos côtoie des croquis imaginaires qui ne verront jamais le jour mais participent à une ambiance particulière.
 
 

II. Sur le déroulement interne
A. La science au service de l'art.
1. Le contenu de l'art

Le contenu scientifique des oeuvres de Panamarenko est à la fois concret, matériel : il y a un vrai moteur, des mécanismes, et abstrait : des recherches, des études et des explications sur les oeuvres qui font aussi partie de celles-ci. Sa façon d'utiliser les techniques va au-delà d'une utilisation purement esthétique. Une relation étroite et complexe se crée entre le coeur des oeuvres et les formes extérieures.

Et Panamarenko ne supporte pas que l'on assimile ses recherches ou son travail à celui des artistes de l'art cinétique qui selon lui " se laissent séduire par des principes électriques ou mécaniques pour réaliser des sculptures ou des reliefs qui ne sont que des gesticulations colorées ou esthétiques. "

Plus encore, ses constructions appartiennent à un projet global qui se constitue peu à peu à travers son oeuvre " réaliser l'engin spatial total " que j'ai déjà évoqué précédemment. L'extrait de l'interview que je reproduis me semble très importante pour comprendre de quoi il s'agit.
 
 

" Et il ne s'agit nullement de bricoler une vingtaine de petits avions pour le seul plaisir de l'art, ce qui reviendrait à fabriquer des objets à portées uniquement esthétiques, sans fond, sans caractère aucun et qui, même s'ils sont esthétiques, deviennent laids par le vide qui leur est propre. Il se peut que mes objets aient l'air primitifs, mais jamais en tout cas ils ne perdent le contact avec une certaine exactitude, une certaine véracité. Il serait facile de les faire " beaux ", ces avions que je fais ; mais il ne s'agit pas de cela, il ne s'agit même pas de faire des avions. Il s'agit de commencer par quelque chose. (...) Chaque machine que je fais constitue une étape qui me rapproche, sur l'un ou l'autre plan, du vrai but que je me suis fixé : réaliser l'engin spatial total. Même si ce sont des voitures ou des bateaux, ils s'inscrivent toujours dans cette même pensée et contribuent à me permettre d'énoncer les principes de base de cet engin.(..) En art en particulier, il me semble qu'il serait urgent de commencer à unifier l'intérieur et l'extérieur des choses. "
 
 

2. L'interprétation de la science.

Mais, il faut l'avouer, les sources scientifiques de Panamarenko si elles sont exactes, au départ, sont ensuite interprétées et transformées. Il veut explorer les questions restées sans réponse de la science. Aesclimann utilise le terme très juste de " champ déplacé de la technologie ."

Dans livre monographique de Michel Baudson lors d'interviews, Panamarenko s'explique à ce sujet.

" Michel Baudson : Panamarenko, n'utilises-tu pas aussi les mathématiques en fonction des besoins de tes recherches ?

Panamarenko : Oui, mais j'emploie une sorte de mathématique incorrecte. En fait, je calcule à ma manière. C'est en relation avec les choses véritables, ce n'est pas de la mathématique pure. Si je développe une formule propre, même tout à fait simple, une demi-heure après je ne sais plus quel chiffre vient avant l'autre dans mon calcul ; j'écris cela sur papier, et c'est de cette manière que j'obtiens pas mal de résultats sensationnels, sauf qu'il n'y a aucun type au monde qui dise qu'ils sont vrais. Mais quelque chose doit fonctionner dans les mathématiques de Panamarenko ! "
 
 

Il détourne les éléments qu'il puise dans de nombreuses lectures de magazines scientifiques ou lors de discussions. " Son projet ne se réfère aucunement à la science comme facteur d'exactitude dans la définition du visible. " Il ne cherche pas à reproduire ce qu'il apprend afin de refaire ce qui a déjà été fait. Il confronte la Science et l'Art dans un univers qui n'appartient qu'à lui.
 
 

B. Et l'art au service de la science
Ces liens qu'il établit entre l'art et la science ont aussi pour objet d'enrichir à la fois le monde de l'art et le monde de la science. L'un au service de l'autre tout en étant l'un contre l'autre.

1- L'exemple du Moteur- pastille 

Le Moteur pastille est un exemple intéressant de la possibilité que se donne Panamarenko de mettre au point un élément technique encore inexistant, lorsque c'est nécessaire, pour répondre aux besoins techniques d'une oeuvre. Et il montre l'interdépendance de ces deux univers. Sa démarche est celle d'un scientifique.

A partir de 1984, il imagine des modèles de sacs à dos volants . Les moteurs qui existent déjà ne conviennent pas. Ceux qui existaient étaient trop lourds et trop encombrants. Une invention pour répondre à un besoin précis était nécessaire : celui d'un moteur de petite dimension et très léger. Il lui faut donc mettre au point ce nouveau moteur. C'est ainsi que le Moteur-pastille naquit. Il s'agit d'un moteur pneumatique ultra léger et ultra plat, à piston rotatif. On peut dire que Panamarenko a contribué à une certaine évolution de la science, même si le moteur ne fonctionne pas parfaitement comme il le reconnaît lui-même.

" Panamarenko : (...) Il s'agit d'une sorte de boîte plate, avec des palettes mobiles à l'intérieur. En fait c'est une sorte de moteur à air, mais proportionné différemment. On a déjà souvent tenté de réaliser ce genre de moteur, parce que cela paraît tellement simple. Il n'y a que trois parties : des palettes mobiles carrées, un rotor placé de manière excentrique, dans lequel les palettes tournent, et puis un cylindre. Il faut aussi calculer toute la friction, la chaleur, la dilatation, etc.(...)Il fonctionne un peu mais il n'est pas idéal.(...). "
 
 

2- Science discipline ouverte

Panamarenko cite et transforme la science et les techniques, mais il veut aussi concurrencer ces domaines puisqu'il veut montrer de nouvelles voies dans leur approche et leur interprétation. Il considère que ces domaines ne doivent plus seulement être réservés à des spécialistes mais s'ouvrir à la vie comme Beuys voulait que l'art s'ouvre à la vie. Il y a donc une remise en question de nos institutions et de nos modes de transmission des connaissances.

Il ne s'agit nullement d'une contestation du contenu des connaissances mais plutôt de remettre au niveau de chaque homme les innovations de la technologie dans un contexte poétique et avec des explications simplifiées. Il met aussi l'accent sur l'évolution de la science faite de tâtonnements fortuits, alors que l'image qu'elle donne est digne et irréprochable. Cette image du scientifique est la source même de la volonté d'une vision poétisée de la science.

Il nous invite à nous questionner et à échafauder à notre tour des théories scientifiques pour faire avancer le progrès. De cette façon nous pourrons mettre fin à la sacralisation du scientifique détenteur de la seule vérité. " Il a la volonté permanente de trouver des ouvertures, de faire des brèches dans le monde clos qui constitue, d'après lui, le monde scientifique. Dans ce sens, il ne faut pas se sentir surpris à l'égard de la thématique de Panamarenko dans un contexte artistique. "
 
 

III. Réflexion sur le résultat
A. La question du fonctionnement
Une question se pose et revient sans cesse, mais elle est d'importance et complexe à traiter. Si Panamarenko met tout en oeuvre à travers des calculs, des dessins et des oeuvres pour que ces engins ne soient pas des oeuvres vides, des enveloppes purement esthétiques, pourquoi ne fonctionnent-ils pas ? Une part de la réponse est contenue dans ce détournement de la science : il émet des hypothèses qui peuvent être faussées dès le départ et qui sont accompagnées d'un langage scientifique qui constitue le contenu, l'âme de son travail. Mais, les recherches de Panamarenko sont en continuation les unes des autres et abordent des thèmes récurrents : la propulsion humaine, l'énergie magnétique, le déplacement des flux ou encore la théorie du système clos. Elles marquent la cohérence de son parcours de chercheur scientifico-artistique.

Panamarenko se hérisse lorsqu'on se contente de dire " cela ne marche pas ". Il voudrait qu'on se pose d'autres questions : pourquoi cela ne marche pas ? et selon lui, il n'est pas nécessaire d'être un spécialiste pour se pencher sur ces problèmes.

" -Vous employez un vocabulaire et des techniques qui laissent supposer que vous êtes un spécialiste.

- Je ne le suis pas, mais finis par le devenir parce que l'on me classe dans cette catégorie. Je travaille de manière très personnelle, hors des conventions. Dans le domaine artistique, je désire passer du rêve à la réalité. L'important quand je fabrique des appareils, c'est la conviction que j'ai d'avoir un résultat, au moment de la réalisation. Ensuite, si c'est un échec, j'analyse ses causes. (..)

- Ce qui vous intéresse, c'est de savoir comment on vole.

- Oui, parce qu'en analysant le vol, on vole par l'esprit encore plus loin que dans la pratique.(..) "

D'ailleurs le discours de Panamarenko à ce sujet est intéressant : " Les appareils de Panamarenko conçus pour voler, l'affirme souvent Panamarenko lui même, se voient/se verront abandonnés dès lors qu'ils sont/seront réalisés. Qu'ils volent ou non. " . Panamarenko veut-il ou non que cela fonctionne, il nous dit que oui, mais ce qui l'intéresse vraiment c'est la tentative faite qui s'inscrit dans un objectif général et non celui propre à une oeuvre.

Michel Baudson nuance le non fonctionnement en un dysfonctionnement. Il insiste sur la valeur des expérimentations de Panamarenko. La technique contenue dans les oeuvres est quasiment apte à fonctionner et c'est cette légère différence qui marque la frontière entre non et dysfonctionnement, il y un grain de sable qui s'est glissé dans la mécanique.
 
 

B. L'expérimentation
Panamarenko ne se considère pas comme un scientifique, mais comme un expérimentateur. Il veut éprouver lui-même les techniques, les évolutions de la science. Il se fait son propre avis et ensuite met ses conclusions au service d'un projet. A chaque fois la réalité de son projet pose des problèmes neufs et l'oblige à trouver d'autres solutions et s'il n'en trouve pas de réalistes, il y aura bien une explication technique de son cru, la plus amusante possible, pour nous convaincre.
 
 

Hans Theys pense qu'il est inintéressant de savoir pourquoi les oeuvres de Panamarenko ne fonctionnent pas vraiment puisqu'elles sont le fruit d'une expérimentation qui " ne vise pas à prouver l'exactitude de ces principes ". Pourtant ce non fonctionnement à fait dire que c'était grâce à cela que les oeuvres de Panamarenko était de l'art et non de l'ingénierie.

" Sans Titre : Vous avez dit qu'il n'y avait rien de plus stupide que de dire de vos oeuvres qu'elles ne seraient pas de l'art si elles fonctionnaient.

Panamarenko : Un galériste comme Konrad Fisher, par exemple, a dit que si mes avions, mes appareils fonctionnaient réellement, je ne serais plus un artiste mais simplement un bon ingénieur. Quelle connerie ! Ca signifie que si je fais des choses qui ne fonctionnent pas, alors c'est de l'art et si on suit ce conseil, on ne peut plus espérer faire encore une grande découverte, on ne peut plus espérer dire exactement comment l'univers fonctionne. "

En effet, d'autres raisons interviennent dans la conception des oeuvres : " Des raisons plastiques (l'apparence, les possibilités des matériaux utilisés) se mêlent ainsi à des motifs pratiques (moins il y a de bruit, mieux c'est), techniques, physiques, provocateurs, ludiques (ironie ou franche rigolade pourvu que le projet soit amusant) et personnels qui le conduisent généralement à Vivre pleinement au cours de sa recherche l'objectif volontairement rendu impossible, quand bien même il ne serait jamais atteint d'un point de vue strictement fonctionnel. " au final, il restera à Panamarenko la possibilité de nous expliquer pourquoi cela ne fonctionne pas ou encore de nous raconter que cela fonctionne parfaitement et jusqu'où il va nous emmener comme dans cette interview à propos du sous marin : Panama , Spitsbergen, Nova Zembalaya, 1996.

" Tout est prêt pour fonctionner. Si tout marche bien, il sera à l'eau en juin ou juillet, de l'autre côté de l'Escaut. Il y a un moteur à l'intérieur qui donne 20 kilowatts d'électricité et 25 chevaux sur l'hélice. Les 20 kilowatts sont pour l'éclairage du sous-marin, qui peut plonger jusqu'à 10 mètres de profondeur et rester là pendant 300 heures. Il peut aller jusqu'à Spitsberg (rires), avec un container de mazout assez large bien sûr. "
 
 

Il faut peut-être voir différents niveaux de fonctionnement : le fonctionnement dont on a parlé jusqu'ici et celui du monde de la technique industrielle. Il existe aussi un fonctionnement artistique ou poétique. Ce fonctionnement marche ici, les engins de Panamarenko sont destinés à provoquer le rêve. Ce sont des machines à rêver, à voyager le plus souvent. Elles sont le fruit d'une expérimentation souvent très étalée dans le temps et possèdent presque tout pour fonctionner dans la vie réelle.
 
 

Conclusion
 
 

A travers toute l'évolution de l'uvre de Panamarenko, ainsi que dans chaque oeuvre prise individuellement, on voit que tout est conçu comme un projet mêlant science, technique et art. Les premières idées naissent d'une découverte ou d'une absence d'explication scientifique. Par des calculs, des dessins il cherche alors à mettre au point un engin imaginé qui utilise une brèche laissée sans explication dans la science et à trouver l'enveloppe qui sera la plus pratique et la plus efficace poétiquement.
 
 

Jean Foncé résume son attitude face à la technique : " L'art de Panamarenko est tout à la fois une critique et une mystification de la technologie. " Parce que bien évidemment, il ne s'agit pas du tout de science pour la science, mais de science pour l'oeuvre de Panamarenko avec toutes les transformations et les transgressions nécessaires au bon déroulement de la conception de chaque machine. Un fois achevée, chacune d'elle, qu'elle fonctionne, en tant que machines à rêver ou non, au regard de la science, reste avant tout la trace d'une expérimentation scientifico-artistique.
 
 

Mais la parole la plus juste revient à Panamarenko : " Je ne m'intéresse ni à la science, ni à l'art de manière sérieuse. Je m'amuse, c'est un jeu pour essayer de ne pas m'endormir. Je propose à un certain moment qu'une petite construction que j'aime bien soit de l'art. Je me dis par exemple : la masse ça ne doit pas être trop difficile. Mais je ne suis pas du tout un scientifique, ni quelqu'un qui fait des objets d'art. Pour moi, le plus important est qu'il y ait de temps en temps une certaine poésie dans ce que je fabrique et que j'aime bien. Quant au reste ce sont des choses nécessaires pour bricoler un peu. " .
 
 

Toutes ces considérations scientifiques ne doivent pas nous faire perdre de vue que le seul véritable but de Panamarenko est de nous faire rêver.

Mai 1998
 






Bibliographie

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